Ça prends deux personnes pour danser la tango!
J’avais une discussion avec une amie dernièrement. Elle essayait de me faire comprendre que le message de l’inclusion de la neurodiversité serait plus facilement accepté par ceux qui se situent plus près de la typicité, si on (les « neuroatypiques ») arrêtait de faire référence au fait qu’il y a deux clans; les typiques et les atypiques. Comme si l’un essayait d’avoir le dessus sur l’autre.
Parce que cela rend les gens (les typiques) inconfortables, comme s’ils étaient toujours en faute.
Je suis tout à fait d’accord avec elle. Parce que c’est vraiment « gossant » comme on dit au Québec, de se faire rebattre les oreilles avec un sujet surtout quand on a l’impression qu’on est celui ou celle qui fait mal les choses. Je le sais parce que j’ai passé ma vie à me faire dire que je ne suis pas correcte.
J’aimerais ça moi aussi, que les autres (les « typiques ») comprennent que c’est difficile pour moi d’être correct, de saisir rapidement ce que je dois faire pour être comme eux. On ne m’a pas donné le mode d’emploi. J’essaie du mieux que je peux, mais il semblerait que ce ne soit jamais satisfaisant.
Voyez-vous depuis toujours les neurodivergents se font dire qu’ils ne sont pas corrects, trop ceci ou pas assez cela. Et comme nous ne souhaitons rien de plus qu’être correcte et de se sentir adéquat, on se force à camoufler, retenir, changer ces comportements qu’on nous a indiqués comme étant inacceptables ou dérangeants, on y met énormément d’énergie. L’énergie qu’on y met est de l’énergie que nous ne pouvons pas utiliser pour accéder à notre plein potentiel. On se fatigue très vite quand on essaie de biffer nos différences tout en essayant de bien faire notre travail. Ce qui fait que nos différences sont encore plus difficiles à camoufler et qu’on à l’air encore plus différent.
Je vous donne un exemple concret. Mon cerveau fonctionne en arborescence. Quand une idée me traverse l’esprit, elle provoque sur son passage un feu d’artifice d’autres idées. Cela peu paraître génial parce que ça me permet d’avoir beaucoup plus d’idée géniale à la seconde que tout le monde. Mais cela vient avec un gros bémol: une différence au niveau de mes fonctions exécutives. C’est quoi ça? Voici la définition de www.Psychomédia.qc.ca
« Les fonctions exécutives sont des processus cognitifs des fonctions cognitives supérieures, qui assurent un rôle de coordination des processus des niveaux inférieurs, pour l'adaptation à des situations nouvelles qui ne peut se faire par automatisme.»
Bref! c’est une espèce de filtre qui se situe dans le lobe préfrontal de nos cerveaux. Ce filtre sert entre autres à inhiber une réponse inappropriée, déplacer l'attention d'une tâche vers une autre, mettre à jour l'information de mémoire de travail, accéder à la mémoire à long terme.
En gros, nous manquons de filtre et de compétence pour savoir qu’on en manque quand nous le faisons.* Ce qui irrite énormément notre entourage. Personnellement, je passe pour une personne trop directe, qui veut toujours avoir raison, etc., etc.
Pendant longtemps j’ai fait beaucoup d’effort pour essayer de mieux analyser les situations et réagir avec plus de discernement. Mais il y avait toujours quelque chose de faux dans mes interventions. De plus, comme je veux être bien comprise (parce qu’on me reproche aussi de ne pas être claire), je choisis des mots plus techniques ou plus recherchés, plutôt que des expressions du vocabulaire courant qui manque pour moi d'exactitude. Ce qui me fait passer pour une personne hautaine, voire snob. Ce que je ne suis vraiment pas.
Comme cela me demande énormément d’énergie et qu’en plus je deviens (au dire de mes enfants) « une personne que je ne suis vraiment pas », j’ai décidé de cesser d’essayer changer qui je suis pour accepter ma vraie nature.
Pour éviter qu’on se méprenne sur mes intentions, j’avise les gens que j’ai une neurodivergence (ou neurodifférence) et qu’il se peut que je donne l’impression de manquer de filtre, ou de vouloir les convaincre, mais que ce n’est pas mon intention. Cela entraîne occasionnellement de belles discussions sur ce qu’est la neurodivergence, et quelquefois on me regarde avec des yeux de biche devant les phares d’une voiture.
Je préfère quand j’ai l’occasion de discuter de la neurodivergence, parce que plus les gens comprendront ce que c’est, moins j’aurai besoin de l’expliquer et plus naturellement se fera l’inclusion des différents profils neurologiques.
Voyez-vous, ce serait tellement plus simple si tout naturellement on assumait que l’autre ne fonctionne pas comme nous et qu’il se peut que certaines de ses interventions, ou de ses actions soient différentes. Si c’était considéré comme normal de ne pas être capable de se concentrer en restant sagement assis, si c’était entendu qu’une personne puisse avoir de la difficulté à vous regarder dans les yeux, mais qu’elle écoute avec grande attention tout ce que vous lui dites. Cela faciliterait tellement les choses si on avait plus besoin de s’expliquer.
J’aimerais vraiment ça. Mais en ce moment la société n’est pas encore rendue là. Nous avons donc deux choix, informer les gens de leurs biais au sujet de certains de nos comportements et de l’impacte que cela à sur notre santé, ou « faire un effort » comme on m’encourage souvent à le faire, pour être comme tout le monde et cesser d’être emmerdante. Il y a une troisième solution pourtant, celle de la communication, de l’éducation et de l’inclusion. Mais cela demande qu’on nomme les choses, qu’on pointe certains comportements ou certains paradigmes, comme étant désuets.
J’ai choisi de parler de neurodifférences pour qu’un jour on arrive à la neuroinclusion. Mais comme il est encore difficile pour certains milieux, d’accepter qu’une femme ait autant de droits qu’un homme, je crois que je vais en parler encore longtemps. Je crois que ceux qui se sentent agressés par mon discours ont plus de biais à l’égard des neurodifférences qu’ils ne le croient. Moi aussi je me sens agressé par le manque de sensibilité à l’égard de mes situations de handicaps, des gens typiques. Croyez-moi, je sais que c’est confrontant. Malgré leurs efforts d’être inclusifs, c’est difficile de se faire dire que ce n’est pas suffisant.
Continuons d’en parler, d’égal à égal. Qu’on s’écoute, avec respect, ouverture et bienveillance! Je ne me considère pas mieux, ni meilleure, ni moins, ni inférieur que vous. Je crois qu’on a tous notre place, qu’on est complémentaire dans nos forces comme dans nos défis, et qu’il est possible de faire en sorte que la majorité normée fasse une place à une minorité différente dans le respect des compétences de chacun sans discernement.
Qu’est-ce que vous en dites?
Vous en parlez avec moi?
Nathalie xx
* Ce ne sont pas tous les neurodivergents qui ont un défi au niveau des fonctions exécutives, mais une très grandes majorités d’entre nous le sont, j’ai choisi ce symptôme parce qu’il servait bien l’exemple que je proposais.
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